REVUE DE PRESSE
Lu dans le journal Libération, édition du 30 juillet
La country cartonne à Craponne
Pendant trois jours, la Haute-Loire a joué aux cow-boys.
Par STÉPHANIE BINET
Craponne-sur-Arzon envoyée spéciale
Ici, c'est l'Amérique!», fanfaronne Kenny, alias «Grizzli des
montagnes». Stetson vissé sur le crâne, long manteau
«cache-poussière» en cuir, le cow-boy français a fière allure. Si
Kenny, la quarantaine, porte un surnom indien, c'est pour lancer
un message de paix et de rédemption: «On leur a quand même
piqué leur terre, aux Indiens.»
Routier de profession, Grizzli participe pour la première fois au
festival de country music de Craponne-sur-Arzon, en
Haute-Loire, entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne: «Avec le
bouche à oreille, explique-t-il, ce festival est devenu d'année en
année une référence parmi les amateurs de country. Toutes les
associations s'y retrouvent.» La sienne, le Pony Express Band,
originaire de Vence, près de Nice, loge chez l'habitant à la ferme.
Souvenirs d'enfance. D'habitude, lui et ses complices Little
Chicken, président, et Perle Chien, chorégraphe de leurs
danses en ligne, préfèrent économiser pour aller au pays des
«vrais cow-boys et du rodéo»: le Wyoming (15 000 francs par
personne). Même Nashville et son festival, le Fan Fair, de plus
en plus commercial, n'est plus assez roots à leur goût: «Cette
année, on a choisi la France. Les membres des autres
associations, qu'on ne croise que deux ou trois fois par an, nous
ont assuré que l'ambiance était géniale au Country
Rendez-Vous.»
L'organisation et la ville de Craponne (3 000 habitants) ne
lésinent pas sur les moyens pour permettre tous les ans à 10
000 Européens (Espagnols, Suisses...) de revivre leurs
souvenirs d'enfance: le rêve américain via ses westerns, ses
cow-boys et ses Indiens. Tous ici cohabitent dans la bonne
humeur. Georges Carrier, président de l'association, qui en est
à son quatorzième festival, explique ainsi le succès de cette
manifestation qui était au départ un marché d'artisanat
américain: «Nous avons trois objectifs: proposer un plateau
musique de qualité, développer le tourisme local et privilégier la
convivialité. Le festivalier est un ami, pas un client. A Craponne,
on vient en famille.»
Mains sur le ceinturon. En plus du décor naturel, qui n'est pas
sans rappeler le Colorado, Craponne prend des airs de ville
libérée avec ses drapeaux américains et français qui volent au
vent. Arrivé sur le site, un champ de sept hectares en pente
douce, le festivalier est accueilli par un crâne de taureau à
l'entrée du ranch et par une citerne d'eau en bois.
A la banque en rondins, il échange ses francs en «dollar
festival» (5 francs) pour l'achat des boissons dans les
comptoirs des saloons. Une radio émet de la country 24 heures
sur 24 pendant la durée du festival et deux parquets ont été
installés sur des monticules en face de la scène. Là, les line
dancers, revêtus de la chemise ou du t-shirt de leur club,
exécutent les chorégraphies apprises sur vidéo, façon honky
tonk (bouge enfumé et mal fréquenté), les deux mains sur le
ceinturon ou façon macarena pour les novices, «les
chouchounettes qui ne connaissent rien à la country», précise
Grizzli.
«Image désuète». Car les amateurs de cette musique, qui
consultent toutes les semaines sur l'Internet le top ten du
billboard américain (100 millions d'albums vendus pour Garth
Brooks) ou écoutent l'émission hebdomadaire de Georges Lang
sur RTL, ont du mal à supporter le déguisement systématique
des festivaliers et la perversion de leur passion, «poésie
populaire américaine»: «Le public français, commente Frédéric
Paris, de Radio Pluriel à Lyon, a une image désuète de la
country. Quant aux maisons de disques, elles n'en distribuent
guère, pensant qu'elle ne s'adresse qu'aux plus de 40 ans.
Pourtant, sur Lyon, il y a neuf émissions de country pour cinq
radios. Ce festival ne peut malheureusement pas encore faire
venir de grosses pointures [le cachet et les frais techniques d'un
Garth Brooks équivaudrait environ à la totalité du budget, 2
millions de francs, ndlr], mais il présente l'intérêt de couvrir tous
les styles de country.» Pour preuve cette année, les succès de
Rhonda Vincent, spécialiste de la «blue grass», country
acoustique avec instruments traditionnels (mandoline, banjo et
violon), de la Californienne Heather Myles ou la venue des
inclassables BR5-49.
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